fbpx
Panier

Doctorat honorifique décerné à la poète innue Joséphine Bacon

  • Le 19 juin 2016

    Monsieur le Recteur,
    Madame la Secrétaire générale,
    Chers collègues,
    Distingués invités,
    Chers diplômés,

    C’est pour moi un immense plaisir d’honorer aujourd’hui le parcours de Mme Joséphine Bacon, de saluer la valeur et la portée de ses actions et de ses réalisations, de souligner sa contribution à une meilleure reconnaissance du peuple innu auquel elle appartient, ainsi que sa contribution à l’anthropologie québécoise, aux études amérindiennes et aux arts du Québec et du Canada.

    Au fil de son parcours, Joséphine Bacon s’est distinguée comme interprète, traductrice et enseignante de sa langue, l’Innu-aimun, puis comme conférencière, poète et écrivaine innu de renommée internationale, et enfin comme une passeuse entre les cultures.

    L’anthropologie québécoise, l’ethnolinguistique et les études amérindiennes doivent beaucoup à Joséphine Bacon. Depuis les années 1970, elle a travaillé étroitement auprès de trois générations de chercheurs en tant qu’interprète et traductrice de la parole des aînés innus, ces gardiens de la mémoire et du territoire boréal ; elle a généreusement partagé ses connaissances et activement participé aux recherches sur la langue, la tradition orale, l’histoire et la culture innu.

    Au fil des 40 dernières années, Joséphine Bacon a aussi enseigné sa langue, l’Innu-aimun, aux niveaux universitaire et collégial, à des publics autochtones et non autochtones. Ce faisant, elle a contribué de manière significative à la transmission et à la pérennité d’une langue autochtone, à un moment où l’Organisation des Nations Unies, l’Unesco et la communauté internationale s’inquiètent de la disparition de ces langues qui contribuent à la richesse du patrimoine de l’humanité.

    Son engagement et ses actions se déploient aussi au niveau artistique. Ses réalisations comme poète, conteuse, parolière et cinéaste ont laissé des traces. C’est par ce biais qu’elle est devenue ambassadrice de sa culture au Québec et à l’international. Ses deux recueils de poèmes, Un thé dans la toundra et Bâtons à message, écrits en Innu-aimun et en français, l’ont consacrée comme une poète d’envergure internationale. Au Québec, elle collabore régulièrement avec des artistes, chanteurs, écrivains et cinéastes – elle porte la parole des siens, elle tend des bâtons à message, dont celui de la réconciliation.

    Cette femme courageuse et généreuse a un don indéniable pour bâtir des ponts et favoriser le dialogue entre les cultures. Le thème de la rencontre a rythmé son parcours de vie : la rencontre entre la tradition orale et l’écriture, entre sa langue et la langue québécoise, entre la ville et la toundra, entre les Québécois et les autochtones.

    Aujourd’hui, elle est devenue une figure de fierté et d’inspiration pour les jeunes générations d’autochtones au Québec. Pour ces jeunes, le parcours, les réalisations et la reconnaissance de Madame Bacon constituent des exemples probants que l’on peut être autochtone, une femme autochtone de surcroit, et garder la tête haute, que l’on peut être fier de l’héritage des aînés, fier de ce que l’on est dans le monde contemporain et contribuer pleinement à l’épanouissement et au partage de sa culture. En toute simplicité, elle invite ces jeunes au dépassement. Elle nous invite au dépassement.

    À un moment où les peuples autochtones, au Québec et au Canada, revendiquent davantage d’équité et de reconnaissance, il est particulièrement approprié d’honorer des parcours comme celui de Madame Bacon et de souligner, non seulement son apport aux études anthropologiques, mais aussi et surtout son engagement au sein de la société québécoise contemporaine.

    En décernant ce doctorat honorifique à Madame Bacon, l’Université Laval et la Faculté des sciences sociales s’inscrivent dans la mouvance nationale et internationale de la redéfinition des recherches en milieu autochtone dans un esprit de partenariat et d’équité. Par ce geste, l’Université Laval participe également à la reconnaissance de la valeur inestimable des savoirs et des cultures autochtones au patrimoine de l’humanité. De plus, alors que vient d’être déposé le rapport canadien de la Commission Vérité et réconciliation qui fait le point sur l’héritage douloureux des écoles résidentielles, ce doctorat honorifique décerné à Madame Joséphine Bacon témoigne de la volonté de l’Université Laval d’établir des relations sincères et durables avec les Premières Nations et de reconnaître la contribution de celles-ci à la société et à la culture contemporaines du Québec.

    Le fait d’honorer Joséphine Bacon qui s’est si brillamment distinguée, tant au Québec qu’à l’international, a une signification toute particulière qui dépasse largement la discipline anthropologique et les études amérindiennes mais implique aussi plus largement le dialogue et le rapprochement entre les cultures. En terminant, je citerai Serge Bouchard, anthropologue diplômé de l’Université Laval et auteur, bien connu comme animateur de radio. Il écrivait récemment à propos de Joséphine Bacon : « Je la vois comme une passeuse, elle traduit l’humanité des cultures, en exprimant la beauté de la sienne. C’est une Innue, dans le sens du mot innu, une humaine vraie ».

    Madame Bacon, je vous invite maintenant à recevoir des mains de M. le Recteur le doctorat en anthropologie « honoris causa », à revêtir l’épitoge qui symbolise votre grade universitaire et à signer le Livre d’or de l’Université Laval.

    Sylvie Poirier

    Directrice
    Département d’anthropologie
    Université Laval


    juin 20th, 2016 | Yara El-Ghadban | Commentaires fermés sur Doctorat honorifique décerné à la poète innue Joséphine Bacon | Étiquettes : , , , , , ,

Comments are closed.