Le Québec à l’honneur – Foire Internationale du livre d’Haïti (FILHA) 2015
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Haïti, le pays d’où sont venus mes amis poètes Serge Legagneur, Roland Morisseau, Anthony Phelps, avec lesquels, le soir venu dans le Montréal de la Révolution tranquille, on allait lire des poèmes au Perchoir d’Haïti, en 1965. Haïti, le pays qui donne des poètes, le pays où on enjambe la poussière et le destin. Un pays où il faut lire dans les yeux, les mains, entre la ligne d’horizon et les palmiers, au fond du verre de ti-rhum et dans la poésie des femmes. Haïti, je sais aussi qu’il t’arrive de trembler et de regarder droit dans les yeux. J’arrive.
C’est une grande joie que de présenter cette Haïti littéraire aux écrivains du Québec. Et de permettre, d’autre part, que les écrivains d’Haïti découvrent le Québec des Miron, Ducharme ou Dickner. Le récit est bien le plus court chemin d’un esprit à un autre. Mais par ce voyage nous ajoutons l’élément naturel. Quel plaisir que de rencontrer ces poètes dans leur milieu. De voir que derrière les livres se tiennent des hommes et des femmes déterminés à livrer leurs mystères afin de réduire le nombre de malentendus possibles entre les humains. L’écrivain vend la mèche, déballe les faux secrets, expose les blessures intimes, et le lecteur découvre avec étonnement que l’on se ressemble plus qu’on ne le pensait. Tout cela serait trop simple et la littérature n’aurait pas eu une telle puissance si l’écriture ne secrétait pas de nouveaux mystères qui produisent ce sentiment d’inquiétude qui nous pousse à interroger le monde à nouveau. Un proverbe haïtien dit: « On sait, et on ne sait pas. »
Je voulais participer à la Foire du livre d’Haïti. J’en avais parlé à des amis, j’avais parlé d’Haïti et des auteurs haïtiens que j’aime à des amis, au Québec et en France. J’ai reçu l’invitation par courriel au début de l’automne et j’ai demandé : «C’est vrai ? C’est vraiment vrai ?» Les gens qui n’ont pas toujours été choyés ont souvent peur d’avoir rêvé les bonnes nouvelles. On m’a répondu : «Oui oui !» Alors j’ai dit à mes proches, à mon amoureux : «Je serai en Haïti en décembre, avec mes livres, chez des amis.»
Comme bien des Québécois, j’ai découvert la littérature et l’imaginaire haïtiens par l’entremise des romans de Dany Laferrière, comme Pays sans chapeau ou Le cri des oiseaux fous. C’est un euphémisme de dire que cet univers m’a charmé, aussi bien par son exotisme par rapport à ma propre réalité nord-américaine que par son étrange proximité avec ma culture et mes intérêts personnels. En effet, mes études et mes lectures m’ont amené à m’intéresser aux différents imaginaires sociaux des peuples de l’Amérique, et Haïti, en tant que bassin de l’esprit d’indépendance qui habite le continent, se révèle pour moi une source inépuisable de fascination. Depuis plusieurs années, des êtres d’exception se sont donné pour mission de faire fructifier les liens qui unissent le Québec et Haïti. On n’a qu’à penser à Rodney Saint-Éloi et à son travail hors du commun au sein du milieu littéraire et de la communauté artistique; ou encore aux nombreux essais éclairants d’Émile Ollivier sur l’immigration et l’intégration de la communauté haïtienne à Montréal. Il s’agit d’un honneur pour moi de participer cette année à la Foire Internationale du livre d’Haïti, un événement dont la vigueur et la pertinence ne sont plus à démontrer, et qui non seulement offre une vitrine pour les jeunes écrivains, mais permet de tisser des liens durables avec des personnalités du monde du livre d’ici et d’ailleurs.
Il faudra ficeler les paroles un long hommage à la terre ancêtre. Nous sommes enfants de la terre amérique insulaire l’Esprit Grand nous couvre de pétales d’acacias et pose de son doigt du miel sur nos lèvres … Nos ancêtres attendent nos voix. Achevons le passé. Si nous sommes, soyons. Que la parole s’élève. Que la parole s’élève en nous. Qu’elle trouve place et résistance. Qu’elle résiste à nous-mêmes, et ainsi elle nous élèvera. Nous transportera. Nous transcendera. Elle nous élèvera debout tous pour mieux libérer nos voix et nos gorges. Que la mâchoire s’ouvre, et nous ouvrirons la voix aux autres. La vérité marche. La parole marche, et nous nous élevons avec elle. Nous marcherons du Nord au Sud, pour faire tourner la roue de la médecine. Le cycle universel du cheminement des peupliers. Nous sommes venus boire à l’Espérance du monde.
La lumière des Caraïbes éclaire l’histoire de l’Amérique. Devant Haïti pourtant, on se trouve devant un monde trop souvent laissé dans l’ombre. Il me tarde de mieux le connaître puisqu’il appartient aussi au nôtre, comme en témoigne depuis des décennies une riche histoire commune d’immigrations et d’échanges qu’il nous reste à connaître et à narrer.
Haïti était dans mes rêves avant même d’y mettre les pieds il y a deux ans. Elle est maintenant aussi dans mon coeur, ma peau, ma plume. Les Haïtiens, ses poètes, écrivains, ses jeunes aux yeux pétillants, l’intelligence et la détermination rayonnant comme autant de soleils dans les classes où j’ai eu le bonheur de les rencontrer m’ont mise face à moi-même, tout en m’accueillant aussi dans leurs rêves et imaginaires. Avant de partir, j’ai promis de me consacrer à l’écriture et revenir revoir mes amis munie d’un nouveau roman pour poursuivre la conversation. Promesse tenue!
Le voyage en Haïti est toujours l’une des plus belles paraboles des présences créatrices de poètes et d’écrivains qui vont à la rencontre des génies de pleine mer. Les îles cherchant les villes et les villes s’ouvrant aux îles. L’écrivain transfigure son imaginaire au contact de femmes et d’hommes aujourd’hui alarmés par une époque affamée de vérité et de justice. Poète de race, il leur entrouvrira mille passages puisés au centre de ses forces intimes. Les paroles d’encre, responsabilité écrasante de l’écrivain, seront aussi une sorte d’hommage pudique aux Anciens, du Père Charlevoix, l’historien de la Nouvelle-France, auteur également de L’Histoire de l’île de Saint-Domingue (1730), à Louis Dantin, le critique littéraire qui salua Les Poètes haïtiens (1928) et Reine Malouin qui à 24 ans rapporta ses impressions de voyage dans Haïti, l’île enchantée (1940). Nous reviendrons d’Haïti avec un bénéfice esthétique pour certains, un gain sentimental pour d’autres. Dans nos yeux verts de mer flotteront des peintures éternellement anonymes, mouvement de grâce soutenu par le secret de la littérature.
Commence ce voyage
ami du rêve
le songe se gorge d’eau
de sel de livres
la mer se jette dans le fleuve
un soleil de mangue
visse la beauté dans ma tête
je partage la peau
sans quitter ma folie
la terre tremble encore
sous les paupières
le corps s’accroche au cœur
comme à un squeletteParticiper à ce voyage est pour moi un privilège extraordinaire. Mes collègues écrivains québécois qui sont allés à Haïti au cours des deux dernières années ne cessent de nous raconter à quel point cette expérience a été non seulement inoubliable mais qu’elle a eu un impact clair et direct sur leur vie. Ils ne tarissent pas d’éloge sur le peuple haïtien qui, malgré les énormes épreuves qu’il a traversées, dégage une joie de vivre et une dignité exemplaire. Je me rends donc là-bas pour me présenter, certes, mais surtout, surtout pour rencontrer et apprendre.
Je suis à la fois heureuse et émue de participer à ce voyage en Haïti ; curieuse aussi de voir, de sentir, de comprendre de l’intérieur d’où vient cette force de vie et d’écriture, qui est la vôtre et dont la puissance – beaucoup plus qu’une énergie de la résistance – m’étonne toujours. Dans un poème qui avait pour titre Sur fond d’océan – mots empruntés à Joël Des Rosiers – écrit après le séisme de janvier 2010, je parlais, entre autres, de «catastrophe» et d’«impardonnable géographie» mais surtout de «joie survivante». Car je ne suis jamais arrivée à imaginer le peuple haïtien, pourtant violemment éprouvé à de multiples reprises et de multiples manières, autrement que le regard haut et fier. Me référant aux livres, tant de vos écrivains que de vos écrivaines – vivant en Haïti, chez nous ou ailleurs dans le monde –, je suis portée à penser que les femmes y sont pour quelque chose, qu’elles veillent de près – et à bout de bras – à transmettre, contre vents et marées, ce «dur désir de durer» dont parlait Paul Éluard. Qui dans chaque œuvre m’éblouit. Hâte de voir tout ça de près… Hâte d’habiter votre île.
Haïti est pour moi un secret bien gardé, une propulsion magique dans un océan de jappements à la lune. La poésie n’a longtemps existé, pour moi, qu’au milieu d’un mystère surréaliste et baroque. J’associe le surréalisme incarné à l’île du Baron Samedi. En somme, je suis issu des Cayes de Desrosiers, Dépestre, Frankétienne et Roumain. Lorsque je m’invente écrivain international, je m’imagine haïtien, arborant cette fierté rieuse dans mon oeil d’expatrié du monde, isolé dans ma quête impossible. C’est en naïf ébloui, avec le savoir coincé, que j’aborde Haïti. Lorsque je me sens invisible comme écrivain, je pense à Ralph Ellison, je pense à Davertige, et je me dis que mon invisibilité est celle que je partage avec ces compagnons qui ont fait de leur inexistence un Port pour rejet de Princes.
Depuis deux ans, je regardais partir mes collègues vers Port-au-Prince et j’espérais que très vite, je puisse faire partie de cette délégation à mon tour. Quel bonheur, cette année, de recevoir cette invitation. La rencontre de ces deux peuples francophones, les échanges entre différentes cultures, le partage des littératures du monde et la découverte d’un lieu, forme d’exil inspirant, sont pour moi une chance immense pour la femme, et l’écrivain que je suis. Je suis honorée, heureuse d’envisager le départ et impatiente d’arriver chez vous.
Pour moi, Haïti est un lieu de beauté. C’est un endroit qui a vécu dans mes rêves grâce à des amis haïtiens pendant de nombreuses années. Un lieu de grande dette, que nous les gens de la diaspora africaine devons à Haïti. Ce lieu et ce peuple je les ai visités plusieurs fois en esprit, dans l’espoir de les visiter en personne un jour. Eh bien, il semble que ce jour est arrivé, est à venir, un jour que je prévois avec beaucoup de bonheur.
Je suis de ce voyage pour reprendre un voyage inachevé, un autre embranchement vers un nouveau voyage ou encore, parce qu’à l’impuissance qui paralyse, mieux vaut l’espoir qui fait vivre. Les yeux d’un enfant avide de livres ou d’une histoire toute simple illumineront peut-être le chemin.
Peut-on rêver d’un pays où écrire et vivre se confondent ?
Port-au-Prince attrape toujours par les tripes. Et nous sommes condamnés à écrire les rumeurs de la ville, sa tragédie, son Barbancourt et son désespoir festif.
Haïti, dit-on, a un destin d’écriture ? C’est la ville des écrivains puisque les écrivains doivent bien avoir une ville.
Que veut dire écrire sinon vivre, aller loin dans l’aventure humaine, être à l’autre bout de soi, aller à la rencontre de la mer bleue qui nous ferme dans ses bras ?
La seule chance pour Haïti demeure le livre.
Le livre pour lever la tête, pour dire HONNEUR, et que l’on réponde RESPECT.
La poésie, l’amour et la vie
Bonjour Haïti. Nou la! Nous sommes face à notre conscience.Diane Régimbald
L’insensée rayonne
Le Noroît
Ce voyage vers Haïti m’enchante, m’émeut au plus près des mots que j’ai lus, que je lis présentement de Yanick Lahens, Jacques Roumain, Émile Ollivier, Anthony Phelps, Kettly Mars, Emmelie Prophète… Je suis déjà au pays par leurs écritures bouleversantes sur l’ïle des douleurs et des joies portées. Je vois en ce pays que je n’ai encore jamais foulé du pied un ensemencement de rencontres riches en croisements de pensée entre écrivains haïtiens et québécois. «Parce que le temps passé à se parler ainsi n’est pas du temps, c’est de la lumière.» (Y. Lahens) Cette participation à la Foire Internationale du livre d’Haïti, je la souhaite généreuse, ravissante, exquise et troublante. De plus, ayant une fille haïtienne de cœur et d’âme, je porte par elle un peu d’Haïti en moi. Elle m’a décroché une étoile du ciel haïtien afin que la joie m’habite lorsque j’y serai enfin, très bientôt, un beau jour de décembre 2015. Nous portons en nous une multitude de voix. J’aime les entendre. Celle de l’insularité haïtienne m’appelle, m’interpelle dans sa créolité, sa force vive, sa fierté de battante qui exige d’être à la hauteur du monde. Je désire connaître les voix des femmes haïtiennes car elles portent, j’en suis convaincue, la grâce de vivre. Rodney Saint-Éloi disait dans son récent recueil, Je suis la fille du baobab brûlé, «Mon ventre accouche des histoires qui recommencent à l’infini. Il y a toujours une vie à faire ou à refaire.» Je suis ravie de réaliser le souhait de me trouver en vos terres, de dire et faire poèmes avec vous et de danser avec la mer.
J’ai toujours écrit pour tendre la main et voir à quel point le travail créateur peut nous rassembler tous, tant que nous sommes, au sein d’une même communauté de sentiments et de destin. C’est avec l’espoir de développer des liens forts de fraternité au-delà des frontières que je joindrai ma voix à celles qui feront de la Foire Internationale du livre d’Haïti une célébration de toutes les littératures. Car c’est en faisant corps et en brillant d’une même lumière que toutes les littératures du monde pourront demeurer vivantes. Je suis fier de pouvoir contribuer, ne serait-ce qu’un tout petit peu, à la réussite de ce très grand pari.
Bienvenue chers invités,
Bienvenue dans une terre ardente. Une terre où il faut tout prendre, les ombres et les si belles lumières. Ne craignez point d’y marcher sur des braises. Il vous suffira d’écouter les vers de Davertige, de Saint-Aude, de Depestre ou de Castera pour planer haut. Vers les merveilleux nuages. Dans le voisinage des astres. Si au détour d’une de ces rues où il y a du toujours trop, trop de bras, trop de jambes, trop de rires, trop de souffrances, vous tombez sur des couleurs éblouissantes, des formes hallucinées, c’est que vous aurez vu une toile de Mario Benjamin, de Killy, une aquarelle d’Iris, des collages de Dubréus ou de Boyer, des sculptures de Céleur, de Guyodo, d’Eugene, de Saint-Eloi ou une installation de Prezeau ou de Monnin.
Et puis si vous entendez résonner des tambours, une guitare électrique, laissez-vous entraîner dans un voyage avec les dieux. Certains se sont déjà mis à slamer avec les mots rap jazz de Franketienne. Et si le dernier soir Gede (c’est dans ses habitudes) s’invite à la fête avec Ti Coca et Erol Josué, riez avec lui à gorge déployée et dansez. Peut-être vous livrera-t-il les secrets de la vie et de la mort qu’il connaît depuis toujours.
Ici la littérature n’est jamais seule.
Bienvenue chers invités dans une terre ardente.
Yanick Lahens, Invitée d’honneur, FILHA 2015
Renseignements :
Camille Robitaille, relationniste, Mémoire d’encrier
relations@memoiredencrier.com; Tél. : 514 989-1491
Au cours de cette foire, les livres seront très accessibles car il y aura une réduction exceptionnelle de 50% sur tous les titres disponibles. C’est une occasion en or pour les lecteurs de se procurer les ouvrages qui leur feront plaisir.
Enfin, cette foire permettra de renforcer les liens de solidarité et d’amitié avec les délégations présentes. Ceci devrait avoir pour incidence positive la consolidation des coopérations déjà existantes sur le plan culturel en général et littéraire en particulier.
Pour en savoir plus : http://www.dnlhaiti.org
Comité organisateur: Rodney Saint-Éloi (Mémoire d’encrier); Louis Frédéric Gaudet (Lux éditeur), Karine Vachon (Québec Édition), Camille Robitaille (Mémoire d’encrier).Les organisateurs ont reçu l’aide de la Direction Nationale du Livre, du Conseil des Arts du Canada, du Conseil des Arts et des lettres du Québec, de la SODEC et de LOGIC
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